Le saumon roi des mers

guide de pêche aux saumons

Guide de pêche au saumon d'Atlantique

par Gilles Bernatchez




 

Chapitre 1 - Le saumon de l'Atlantique


Lorsqu'on acquiert une meilleure connaissance des techniques de pêche et des notions de biologie du saumon, on trouve encore plus de plaisir à pratiquer cette pêche, et ce, même si la journée se solde par la victoire des saumons. Pour le saumonier, le saumon de l'Atlantique (salmo salar) n'est pas un simple poisson à leurrer, mais un adversaire de jeu. Son nom scientifique, salmo salar, lui a été attribué vers 1758, par Carl von Linné, un naturaliste suédois. Salmo, est un mot latin identifiant les poissons du même genre que le saumon, soit les "salmonidés" (ex.: truites arc-en-ciel et brunes), tandis que salar vient du mot latin qui signifie "sauter". Donc en traduction libre, cela devient "salmonidé sauteur". On dit que le saumon est anadrome parce que c'est un poisson qui vient au monde dans l'eau douce d'une rivière, y grandit quelques années, se transporte en eau salée pour y passer quelques autres années comme adulte et revient se reproduire dans sa rivière d'origine

 

 

Chapitre 2 - Le cycle de vie du saumon



Avant d'aller plus loin, jetons un œil sur le cycle de vie du saumon. Ceci nous aidera à comprendre son comportement.

Fraison
Débutons au moment où les géniteurs sont sur les frayères. La fraye débute généralement à la fin d'octobre et se termine à la mi-novembre. La femelle pond ses œufs dans le gravier, après avoir creusé une sorte de nid en donnant de vigoureux coups de queue et le mâle y répand sa laitance.

Une femelle pond environ 1 800 œufs par kg de son poids. Donc, un saumon femelle de 4,5 kg pond près de 8 000 œufs. Seulement quatre saumons adultes venant de ces 8 000 œufs reviendront quelques années plus tard dans cette rivière



Alevin
Au printemps suivant la fraye, l'œuf donnera naissance à un alevin. C'est une sorte de poisson minuscule, dont le ventre a une poche qui se nomme sac vitellin et qui contient tout ce dont l'alevin a besoin comme nourriture durant les premières semaines de son existence. Au cours du premier été, l'alevin se nourrit d'insectes et de micro-organismes. Au début de l'hiver, il aura atteint entre 5 et 9 cm.

Tacon
Durant le deuxième été de sa vie, la croissance sera plus rapide. Il s'appelle maintenant tacon. Les tacons vivent de deux à sept ans dans la rivière, selon la température de l'eau et la nourriture qu'ils y trouvent. Leur vie en rivière se fait en voisinant les truites. On peut distinguer les tacons des truites par leur queue, celle du tacon étant fourchue.

Si jamais un tacon s'accroche à votre mouche, ramenez-le lentement vers vous pour ne pas le noyer. Décrochez la mouche délicatement sans toucher le tacon avec vos mains. Tenez tout simplement l'hameçon fermement entre vos doigts, sans bouger. Le tacon, en se débattant, se décrochera de lui-même et retournera à la rivière (ne le tenez pas trop élevé au-dessus de l'eau). Il est important de faire très attention aux tacons car ce sont nos saumons de demain.



Saumoneau
Après ces années en rivière, le tacon se transforme. Il prend une couleur argentée, ses nageoires noircissent et son corps s'allonge (15 à 20 cm ). Il se prépare à la vie en mer. Le tacon est devenu un saumoneau et à la fin du printemps, il descend la rivière jusqu'à la mer.

Prédateur
Lorsqu'il est en rivière, le jeune saumon doit faire face à certains prédateurs comme la truite, le bec-scie, le martin-pêcheur, la loutre, le vison, le goéland et le cormoran.


Le saumoneau, lorsqu'il a atteint la mer, se dirige vers des sites d'engraissement. Il s'y nourrira de crustacés, de capelans, de harengs, etc. et prendra du poids rapidement. Cette période d'engraissement varie d'un à trois ans.

Les "madeleineaux" sont des saumoneaux qui ont passé seulement un an en mer avant de revenir frayer dans leur rivière d'origine. Ils demeurent le long des côtes de leur pays d'origine.

D'autres saumoneaux se dirigent vers les sites d'engraissement situés au large et le long de la côte ouest du Groenland ainsi que dans les alentours des îles Faroë.

En mer aussi, le saumoneau aura à faire face à des prédateurs. On n'a qu'à penser aux phoques, aux requins, aux goélands et aux cormorans. En plus de ces ennemis naturels, il subit aussi la pollution causée par les navires transatlantiques qui vidangent en haute mer.

Retour à la rivière
Lorsqu'il se sent prêt, le saumoneau devenu saumon adulte retourne vers son lieu d'origine. Il voyage la plupart du temps le jour dans un périple que les chercheurs n'ont pas encore réussi à élucider.

Depuis le jour où les scientifiques ont pu être certains qu'une grande majorité des saumons retrouvent leur rivière d'origine, la question demeure, "comment"?

Une des hypothèses est que les étoiles et le soleil leur servent de guides. Une autre parle de l'influence des courants des océans. Cependant, il semblerait qu'une fois rendu près de la côte, le saumon localise sa rivière par l'odeur.

Par l'étiquetage, on a pu connaître les déplacements des saumons. On pose des étiquettes sur le dos des saumoneaux lors de la dévalaison et on les recueille lorsque les saumons sont pêchés soit commercialement, soit sportivement. Cette technique a permis aux biologistes du Québec de découvrir que les saumons retrouvent à 95 % leur rivière natale.

Montaison
Le saumon qui arrive de ses aires d'engraissement est gras et de couleur très argentée. La vitesse à laquelle se fait la montaison dépend généralement de deux facteurs : la hauteur et la température de l'eau. Plus l'eau est haute et froide, donc plus oxygénée, plus rapide est la montaison. À l'inverse, plus l'eau est basse et chaude, donc moins oxygénée, plus lente sera cette montaison.

On a tendance à penser que les gros saumons de trois ans de mer (donc des saumons de plus de 8 kg) arrivent les premiers au printemps. Donc lorsque la saison de pêche commence, ce sont eux qui peuplent les rivières. Ensuite arrivent les saumons de deux ans de mer (entre 4 et 7 kg) et finalement ceux d'un an de mer (entre 1,5 et 3,5 kg) qui sont presque entièrement des mâles et dont la plupart ne sont pas matures pour la reproduction. C'est la principale raison qui fait que dans les rivières où la remise à l'eau (catch and release) est obligatoire, on laisse au pêcheur la possibilité de conserver les madeleineaux. Mais ces dernières années, ces lois sont remises en question. On trouve du "madeleineau" (entre 1,5 et 3,5 kg) très tôt en saison et du gros saumon (plus de 8 kg) encore bien argenté en plein milieu de la saison. Certains facteurs sont venus modifier l'ordre observé.

La remontée en rivière à partir de la mer peut se faire très rapidement. On a déjà vu des puces de mer sur des saumons capturés à plusieurs dizaines de kilomètres de la mer alors que ces puces ne vivent que 48 heures en eau douce. Plus la saison avance, plus la coloration du saumon change. Elle devient rougeâtre. La mâchoire inférieure du mâle remonte vers le haut en formant un crochet.

Lorsqu'il est dans la rivière, le saumon se déplace surtout la nuit sauf dans les chutes qui sembleraient être plus faciles à surmonter le jour à cause de sa vue. Durant sa remontée jusqu'à l'endroit où il a vu le jour dans le seul but de frayer, le saumon s'arrêtera dans des endroits de la rivière que nous appelons des "fosses".

Mortalité
Par opposition au saumon du Pacifique, le saumon de l'Atlantique ne meurt pas obligatoirement après avoir frayé. Une partie des saumons redescendent la rivière et retournent en mer tout de suite après avoir frayé, d'autres passent l'hiver sous la glace des rivières sans manger pour ne redescendre qu'au printemps suivant. Encore là, c'est un secret qui échappe aux biologistes. Mais ceux-ci nous disent que chaque saumon qui retourne en mer, soit l'automne ou le printemps suivant, a bien peu de chance (soit de 4 à 10 %) de revenir frayer une deuxième fois.

Il semblerait que le saumon le plus âgé enregistré au Québec serait une femelle de la rivière Matane, qui a été capturée alors qu'elle venait frayer pour la cinquième fois. Elle pesait 15 kg et était, paraît-il, âgée de 15 ans

 

Chapitre 3 - La physiologie du saumon



Écaille
Le calcul de l'âge du saumon se fait à partir de ses écailles. C'est pourquoi la plupart des gestionnaires de rivières recueillent un échantillon lors de l'enregistrement. Cet échantillon est expédié aux biologistes qui les analysent. Lorsqu'on regarde une écaille grossie au microscope elle apparaît comme un tronc d'arbre coupé. Des lignes circulaires démontrent la croissance du saumon. L'histoire de sa vie se reflète fidèlement sur ses écailles. Cette méthode découverte en 1905 par un certain Monsieur Johnston a été corroborée à maintes reprises depuis. Ces variations saisonnières dépendent de la température, de la disponibilité de la nourriture, de l'activité nutritive, de l'état physiologique du poisson, etc.


Organes sensoriels
Les chercheurs sont d'accord à ce que le saumon voie, entende, sente et goûte. Les réactions du saumon sont dues aux perceptions simultanées de plusieurs organes sensoriels. Il est donc utile pour le pêcheur de bien connaître tous les sens du saumon pour augmenter ses chances de le leurrer.

Vue
Les biologistes reconnaissent que le saumon, poisson de surface, a une meilleure vision que les poissons de fond. Pour lui, sa vision est très importante, autant durant la montaison que durant la période où il est dans les fosses. Les scientifiques sont d'accord que c'est à l'aide de sa vue que le saumon franchit les obstacles tels que les chutes, les barrages, les passages étroits, etc. Les obstacles majeurs sont donc franchis le jour, au moment où le saumon peut plus facilement évaluer les distances.

Premièrement, son attention est attirée par le mouvement des objets, ensuite ses yeux en précisent la forme et la couleur. Donc la vitesse de déplacement de la mouche revêt une importance capitale, encore plus que sa forme ou sa couleur.

Œil
L'œil du saumon ressemble un peu à celui de l'homme; mais il comporte des différences puisqu'il est adapté à un milieu qui n'a pas la même densité. Il est moins compliqué que celui de l'humain.


Vision monoculaire
Le saumon est doté d'une vision dite "monoculaire", c'est-à-dire que chacun de ses yeux peut percevoir l'image d'un objet différent. L'œil peut voir un objet assez éloigné (de 15 mètres) en fonction de la clarté de l'eau.

Cette vision l'empêche d'apprécier le relief, la profondeur, l'épaisseur de l'objet détecté; il ne voit qu'en deux dimensions. Il ne peut non plus apprécier la distance qui le sépare d'un objet.

Vision binoculaire
Le saumon a aussi une vision "binoculaire", c'est-à-dire qu'il peut percevoir simultanément par les deux yeux et en trois dimensions un même objet. Mais cette vision est restreinte : il ne peut voir en avant de lui et au-dessus de lui qu'à une distance variant de 10 à 60 cm. Le saumon ne peut vraiment apprécier la distance entre lui et un objet que lorsqu'il voit cet objet en vision binoculaire. Pour prendre une mouche, le saumon doit pouvoir évaluer la distance entre lui et cette mouche; c'est donc dire qu'il doit absolument la voir en vision binoculaire. Donc, pour qu'il l'attaque, la mouche doit passer tout près, devant ou au-dessus du saumon.

Toutefois, si le saumon perçoit une mouche dérivant à côté de lui (en vision monoculaire), il pourra se déplacer pour bien la voir (en vision binoculaire) et, éventuellement, la gober.

Champ visuel
Pour nous aider à leurrer le saumon avec nos mouches, il peut être important de comprendre comment il les voit. Il existe deux phénomènes physiques pour la transmission de la lumière, la réflexion et la réfraction.

Toutes les images qui sont vues par des yeux sont dues au phénomène de la réflexion de la lumière. Celle-ci voyage en ligne droite, rencontre un milieu dense et, selon l'angle avec lequel elle pénètre, elle sera réfléchie (si l'angle est inférieur à 10°) ou réfractée (si l'angle est supérieur à 10°). L'image prend alors la direction de la lumière réfractée. C'est pourquoi, lorsqu'on voit un saumon dans la fosse, il n'est pas réellement où on croit le voir, il sera toujours plus profond et plus près de nous.


Le champ de vision horizontal du saumon est d'environ 300° (en vision monoculaire). Il existe un angle mort de 30° vers l'arrière si le saumon est totalement immobile; mais comme un saumon est presque toujours en mouvement, ce point mort est presque inexistant. Le champ de vision binoculaire serait d'environ 30°, il faut donc que la mouche passe dans cet espace pour qu'il la distingue clairement. Toutefois, plus le saumon est profond dans la fosse, plus la surface de ces 30° sera grande. On parle de 2,26 fois la distance entre le saumon et la surface de l'eau. Un saumon qui se tiendrait à 30 cm de profondeur aurait une vision binoculaire d'un diamètre de 67,8 cm à la surface tandis qu'un saumon à 60 cm en aurait une de 1,36 mètre. Donc, la méthode la plus efficace pour déterminer le champ de vision du saumon est d'évaluer la profondeur où il se trouve.

Les couleurs
La lumière ambiante, si elle est vive, permet à l'œil du saumon de percevoir le détail des objets et leur couleur. Lorsque la lumière ambiante est faible ou absente, l'œil du saumon perçoit quand même les formes et les contours des objets, mais il ne discerne plus les couleurs, il ne voit que le noir et le blanc. Voici une bonne indication sur la couleur des mouches à utiliser avant le lever et après le coucher du soleil : des mouches noires et blanches !

La lumière blanche, lorsqu'elle est diffusée à travers un prisme, donne un spectre en sept couleurs (dans l'ordre : violet, indigo, bleu, vert, jaune, orange et rouge). Le violet est la couleur possédant la plus courte longueur d'onde, tandis que le rouge est celle qui émet la plus longue. S'il y a beaucoup de particules dans l'eau, le saumon percevra mieux les couleurs émettant une plus grande longueur d'onde, comme le rouge, et si l'eau est claire, ce sera l'inverse.

En plus de distinguer les couleurs, le saumon peut aussi percevoir les différentes nuances de ces mêmes couleurs; donc l'emploi d'un bout coloré (rouge, orange, vert, jaune) sur une mouche peut avoir plus d'importance qu'on ne le croit, de même que l'addition de fibres colorées dans les ailes.

Odorat
Le saumon perçoit les odeurs à l'aide de deux minuscules narines situées en avant de chaque œil. N'oublions pas que, d'après les scientifiques, le saumon retrouve sa rivière natale par son odeur diluée dans la mer. On a même déjà dit que l'odorat du saumon était 1 500 fois plus sensible que celle du chien, alors imaginez ! C'est pourquoi lorsque la situation nous le permet, on doit s'abstenir de mettre les pieds dans l'eau. On doit toujours essayer de pêcher à partir de la batture et ne mettre les pieds à l'eau que lorsqu'on y est obligé. Autant pour que le saumon ne nous sente pas que pour qu'il ne nous entende pas.


Ouïe
Les saumons peuvent détecter des bruits et des vibrations sonores aquatiques, celles qui sont produites dans l'eau. Celles-ci se propagent cinq fois plus rapidement dans l'eau que dans l'air. Mais il n'entend pas les vibrations qui sont dans l'air. Vous pouvez parler, autour de la fosse, sans apeurer le saumon mais vous avez moins de chance d'être entendu si vous marchez lentement et si vous faites attention où vous mettez les pieds pour ne pas causer de vibrations au sol, à l'extérieur de l'eau et encore plus dans l'eau. C'est comme s'il touchait, voyait et entendait à distance: il peut localiser la source qui émet les vibrations. Certains biologistes disent que le saumon peut identifier la position exacte de la mouche dans l'eau lorsqu'elle est à un mètre.


Déplacement
Comme beaucoup de poissons, le corps du saumon est fusiforme. Il se déplace par des mouvements ondulatoires. Il pousse des pointes de vitesse jusqu'à 30 km/heure et peut parcourir entre 40 et 50 km par jour face au courant.





02/10/2005
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